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26 juillet 2009

Le billet de Martin

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Rêver sans fin...
par Martin Cadeau

Paysage_n_122

Là tout de suite, tu ne sais pas trop comment faire, alors tu laisses aller comme ça vient puisqu'il faut bien que ça sorte. Ca fait tellement mal. Tu ne savais pas qu'on pouvait souffrir autant. Maintenant oui, tu auras appris quelque chose aujourd'hui, tu mourras moins idiot, c'est toujours ça de pris. Tu laisses aller comme ça vient, et ça vient de partout, ça tombe comme une pluie drue et glacée. Tu ne sais pas quoi faire de ton corps sans forces. Tu n'as jamais été si lourd,  si lent, si dévasté par cette idée fixe ravageant tes chairs. Où que tu ailles et quoi que tu fasses tu n'as pas d'abri, pas de repos, pas de répit. Tu n'es plus que de la viande à vif. C'est dedans qu'il pleut, ce sont des larmes, des rasoirs, et chaque goutte te lacère. C'est dedans et dehors, partout et sans trêve. C'est transparent toute cette eau qui tombe, puis ça se mêle au sang, c'est rose confiture mais c'est amer, ça coule jusqu'au sol le long de ton corps et ça forme une petite mer profonde comme un gouffre où tu te noies doucement. Tu gesticules, tu protestes, tu refuses l'évidence, tu hurles des choses confuses, tu te la joues même pas mal mais t'as mal putain, t'essaies même d'en sourire mais ta gueule dans le miroir te ramène au réel : t'as l'air d'une gargouille. C'est plus une tête que tu as mais la preuve formelle qu'être humain n'est qu'un statut fragile et temporaire. Tu cries aussi,  contre le silence, parce que tout vaut mieux que le silence. Il te ramène à ton obsession, le silence. Non, tu ne veux pas du silence, tu veux des serments absolus, des mots tendres, des mots d'amour et s'ils n'en sont pas n'importe quels mots pourvu qu'on te parle. Qu'elle te parle. Tu cries à sa place, tu cries pour elle, tu dis les mots que tu voudrais entendre de sa bouche adorée,  les mots contre la solitude noire qui t'enveloppe, contre la nuit revenue, l'hiver éternel que tu croyais enfui. Mais personne ne t'entend plus, personne ne t'écoute, tu es tout seul au milieu du monde, transi dans le froid de juillet, dans ta nuit en plein midi.  Et tu coules. Tu réveilles seulement les morts, ils sont là le trou du nez collé aux fenêtres, eux seuls t'entendent. Et ils te disent que ce que tu vis ils l'ont vécu aussi. Que ce n'est rien, que tout finira bien un jour. Que même la douleur a une fin. Mais toi tu dis non, tu ne veux pas. Tu leur parles de l'espoir, de la vraie vie, de coeurs battants, tu leur parles des nuages, des merveilleux nuages à son image. Tu leur dis le noir de ses cheveux, le bleu de ses yeux et le blanc de sa peau douce. Tu leur dis l'ineffable apaisement de sa présence, la lumière parfaite de son être. Tu leur dis qu'elle ne peut pas partir, qu'elle sera toujours là. Tu leur dis qu'elle reviendra, qu'il ne peut en être autrement. Tu les fais bien rire.

Tu leur dis que c'est elle que tu entends quand les autres te parlent et que tu ne les écoutes pas, tu leur dis que c'est elle que tu vois partout, en toute chose. Qu'entre elle et toi rien ne trouve à se loger, que rien ne saurait jamais te la cacher puisqu'elle est en toi, puisqu'elle est devant toute chose, partout, dans chaque recoin de ton être, qu'elle est le seul horizon et le seul ciel possibles. Tu fais ton animal brutal, tu craches à la gueule de cette morale qui vous a vaincus. Tu voudrais lui faire la peau à celle-là mais tu sais que tu as déjà perdu, alors c'est toi, toi et ta violence que tu jettes contre les murs. Il faut que ça sorte, tu laisses aller comme ça vient, et ça vient de loin. Tu laisses aller et c'est noir, brûlant et acide. C'est dans tes entrailles et ça te mord, ça t'arrache les tripes. Tu n'as jamais été aussi vivant que dans cette mort promise que tu repousses. Et tu as peur. Tu n'as jamais eu si peur, et tu sais pourquoi. Tu y penses déjà à ce jour-là. Celui où tu mourras sans elle. Tu n'as jamais cru en rien mais tes certitudes vacillent. Il n'y a rien après, tu disais. Maintenant tu en doutes. Tu partiras sans elle, tu seras seul, immensément seul. Tu partiras en silence vers ta longue nuit, sans l'avoir revue, sans lui avoir redit, une fois encore, ton amour absolu ; sans avoir touché sa main chaude et douce ; sans avoir revu les mers limpides et si bleues de ses yeux tant aimés. Ton dernier souffle sera pour elle mais elle ne l'entendra pas. Tu ne sais plus si vraiment il n'y a rien après, peut-être qu'il y a quelque chose comme une éternité et tu le redoutes, une éternité sans elle, qui aura le goût de celle que tu connais déjà et tu t'y enfonceras sans fin dans le désert de ta peur. Tu les fais bien rire, les morts, avec tes lubies de vivant. Tu voulais rencontrer un ange, on t'avait toujours dit qu'il n'en existait pas sur la terre mais tu le voulais quand même. Tu voulais un ange, tu en rêvais, et il est venu un soir d'hiver en robe de bal avec des oies sauvages et le monde s'est mis à tourner comme tu l'avais imaginé, tu as su alors qu'il n'est jamais vain de rêver, rêver très fort et plus encore, et longtemps, longtemps, pour que prenne forme même l'impossible. Il était beau ton rêve, plus beau que toutes les beautés connues. Il t'attendait dans une maison sous les étoiles perdue au milieu des collines. Et rien ne pouvait lui être comparé, c'était un rêve entier, majuscule, un soleil doux de l'automne, un rêve d'orpailleur qu'on ne touche qu'une fois, d'inventeur naïf et obstiné. Un poème magnifique que nul n'avait encore écrit parce que ni les mots ni aucun génie n'auraient jamais pu lui imaginer tant de grâce.

Il te faut parler, parler, parler. Parler encore pour abolir le mal, pour repousser la nuit de toutes les nuits, parler pour rester vivant contre l'absurdité, contre le néant. Parler pour se souvenir de sa voix, cette eau claire qui t'inondait d'un bonheur sans nom, te pénétrait jusqu'au vertige, te réconciliait avec toi-même. Chaque mot dans sa bouche était un baume, chaque mouvement de ses lèvres une vague qui t'emportait, chaque souffle une caresse offerte, un bonheur supplémentaire. Il te faut parler pour conjurer le silence. Mais ça tombe toujours, il faudrait que tu bouges, que tu remues ta carcasse, que tu empêches la plaie de s'ouvrir encore. Il faudrait qu'elle soit là pour que le monde ait un sens. Souviens-toi comme il suffisait de sa présence pour que tout soit en ordre, elle n'avait rien à dire, rien à faire, et tout était là : des champs, des vallées, des plaines traversées de rivières, des forêts, des chemins bordés de fleurs sous des ciels changeants et rapides peuplés d'improbables nuages aux extravagantes boursouflures. Et chaque pas que vous posiez ensemble dans ce paradis entrevu était le plus beau des voyages.

Tu as cru que tu ne serais plus jamais seul, que le long chemin où tu errais depuis toujours tu en avais vu le bout, et voilà qu'un autre se dessine à perte de vue, plus étroit, plus sombre et tortueux que tout ce que tu as connu. Ce paysage devant toi est la terreur même, cette forme extrême de la mélancolie. On ne sort pas du labyrinthe. Tu le savais. Et cependant, incurable utopiste, tu espères encore. Tu joins tes mains, homme sans dieu tu pries. Tu joins tes mains comme on fait un nid et dedans tu la vois, tu souris à son incomparable humanité, elle est ton ciel resplendissant de clarté au milieu des ténèbres. Tu l'aimeras toujours, tu n'y peux rien. Un jour, oui un jour, un jour tu lui diras ces mots qu'on dit à ceux qu'on aime : "Bébé, c'est moi. Tu peux rapporter du pain s'il te plaît ?... A tout de suite mon amour". Et tout sera bien, enfin....

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Commentaires
M
Pour lire le premier Billet de Martin publié ici, cliquez sur "Découvrir" et descendez jusqu'au 18 mai 2009.
B
L'idéal de l'amour touché au coeur ! et l'imaginaire fait son travail de sape... Courage !
D
Martin, Martin, arrête, arrête, un beau matin on se réveille avec l'envie de siffloter. Mais oui, mais oui... On aime, on crève, on renaît et c'est comme ça jusqu'à la fin. Tiens, je la vois la fin moi, 60 berges dans les flancs qu'il disait l'autre.
V
c'est la passion. et ça relate bien les griffures sur les murs. un tourbillon. l'impuissance devant l'aveu du non-retour, irréconciliable avec le présent vide. rempli d'elle.<br /> yop!<br /> et le gouffre qui s'en suit! y'a à peu près tout.<br /> <br /> "merde, non, ça va pas recommencer!!" disait le type en se tenant les tripes.<br /> "on croyait comme les chiens croient", aussi, plus tard.<br /> <br /> y'a du vrai.
M
Martin.... à bientôt ?<br /> Je t'embrasse.
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